Beaujolais Nouveau : un symbole de fête et de controverse, 60 ans après sa création
Le Beaujolais Nouveau est un vin emblématique de la région viticole du Beaujolais en France, célébré pour sa sortie annuelle le troisième jeudi de novembre.
Ce vin jeune, qui se distingue par sa méthode de production rapide, est 100% élaboré à partir du cépage Gamay, qui est l'un des 2 cépages autorisés dans la région du Beaujolais, au nord de Lyon. Le Gamay est reconnu pour sa capacité à produire des vins légers, aromatiques et faciles à boire, ce qui en fait un choix idéal pour le Beaujolais Nouveau.
Mais en quoi le Beaujolais Nouveau est-il différent des autres vins ? Est-il représentatif des vins du Beaujolais ? Et pourquoi est-il toujours décrié ?
Un peu d’histoire : pourquoi le Beaujolais Nouveau est devenu célèbre
Dans les années 50, le Beaujolais Nouveau est un modeste vin primeur que l’on boit dans la région Lyonnaise.
Le 11 mars 1951, un arrêté paru au journal officiel indique que « les producteurs ne sont autorisés à faire sortir de leurs chais les vins de la récolte 1951 bénéficiant de l’appellation d’origine contrôlée, qu’à dater du 15 décembre 1951 ». Les vignerons de la région conteste cette décision : ils veulent vendre leurs vins en « primeur » avant cette date. Plus de 8 mois après leur requête, le 13 novembre 1951, leur demande est acceptée : ils peuvent des à présent vendre leur vin, en indiquant clairement « nouveau » sur leur etiquette. Le Beaujolais Nouveau est né.
En 1975, un député du Beaujolais arrive à convaincre le président de l’Assemblée Nationale de baptiser le Beaujolais Nouveau dans les salons de l’Assemblée. A la télé, le parrain et la marraine, Georges Brassens et Mireille Matthieu, choisis pour parler à des pans différents de la population, relayent l’évènement. Puis tout s’emballe : tous les ans, des dégustations sont organisées dans les bistrots, les gares ou à la télévision pour goûter les premiers vins de l’année.
Depuis 1985, il faut attendre le 3e jeudi du mois de Novembre à minuit pour que les premières bouteilles de Beaujolais Nouveau soient débouchées, avec un slogan qui existe toujours : « Le Beaujolais Nouveau est arrivé ! »
Mais qu’est ce qui différencie le Beaujolais Nouveau du reste des crus de l’appellation ?
La vinification du Beaujolais Nouveau
Contrairement à la plupart des vins qui nécessitent un vieillissement, le Beaujolais Nouveau subit un processus appelé macération carbonique ou semi-carbonique, qui donne au vin son caractère frais et fruité.
La macération carbonique :
Le processus commence avec la récolte des raisins : les vendanges sont impérativement effectuées à la main afin de garantir des fruits intactes. Les grappes de raisins sont placées entières, non éraflés (sans séparer les baies des rafles, la partie qui maintient les grains attachés) et non foulées, dans une cuve hermétique saturée en dioxyde de carbone (CO2).
Dans un environnement anaérobie (sans oxygène), les raisins commencent une fermentation intracellulaire, c’est-à-dire que la fermentation se produit à l'intérieur des cellules de la baie, avant même que le jus n’en sorte. Pendant ce processus, les raisins produisent de l'alcool, des arômes primaires (fruits frais, banane, épices) et du gaz carbonique, sans que le jus ne soit encore libéré.
Cela donne au vin une forte concentration d'arômes, avec une texture légère et fruitée, tout en étant peu tannique. La durée de cette macération est relativement courte, généralement entre 3 et 10 jours. À la fin de la macération, les raisins éclatent naturellement, et la fermentation alcoolique commence normalement (en présence de levures). Pendant cette macération, seule une petite proportion de sucre est transformée en alcool. Résultat : 2° d’alcool créé dans la baie avant qu’elle n’éclate.
Le jus de goutte (ou jus de tire, le jus qui s’écoule de la cuve) représente environ 60 % du futur vin ; il est riche en alcool du fait de la macération carbonique, foncé, peu acide et très aromatique. Le jus de presse (issu du pressurage de ce qu’il reste dans la cuve, c’est-à-dire les peaux de raisins et les rafles) est plus clair, plus acide, moins aromatique et surtout plus astringent du fait des rafles.
La macération semi-carbonique :
La macération semi-carbonique est une variante de la macération carbonique, mais elle combine deux techniques de vinification : la macération carbonique et la fermentation alcoolique.
Comme pour la macération carbonique, les raisins sont placés entiers dans une très grande cuve. Sous le poids des raisins du haut de la cuve, ceux du bas éclatent et libèrent leur jus. Grace aux levures présentes sur la peau, la fermentation alcoolique commence, libérant du dioxyde de carbone qui va remplir la cuve. Le dioxyde de carbone n’est donc pas ajouté à la cuve, il est produit par les raisins eux-mêmes, ce qui déclenche la macération carbonique sur le dessus de la cuve.
Résultat : Le vin a un caractère fruité similaire à la macération carbonique, mais avec une structure légèrement plus complexe grâce aux raisins égrappés. Il peut offrir un équilibre entre fraîcheur et profondeur, avec des tanins plus souples que dans une fermentation classique.
En résumé :
Macération carbonique : raisins entiers, fermentation intracellulaire, vin léger, fruité et sans tanins forts.
Macération semi-carbonique : mélange de raisins entiers et égrappés, fermentation alcoolique et intracellulaire, vin fruité mais avec plus de structure et de complexité.
Mais à quoi s’attendre précisément avec le Beaujolais Nouveau ?
Dégustation du Beaujolais Nouveau : à quoi s'attendre
Le cépage Gamay, emblématique du Beaujolais :
Comme expliqué plus haut, le Beaujolais Nouveau est un vin fruité et léger qui doit en partie son caractère à son cépage, le Gamay.
Le Gamay est un cépage naturellement aromatique, avec des notes de fruits rouges (cerise, framboise, fraise), de banane, et parfois une touche d'épices ou de bubblegum. Il a une peau relativement fine et peu tannique, ce qui permet aux raisins de libérer facilement des arômes et des saveurs sans produire trop de tanins.
Le Gamay présente une acidité modérée, pas trop élevée pour dominer le profil fruité, mais suffisante pour soutenir la fraîcheur du vin. C’est un cépage qui mûrit relativement tôt et qui peut être récolté avec une maturité optimale pour une vinification rapide. Il se prête particulièrement bien à une consommation jeune : il n’a pas besoin de vieillir pour offrir des vins agréables et expressifs. La macération carbonique permet justement de capturer l’essence de ce cépage au moment de sa jeunesse, avec une grande fraîcheur.
Alors comment apprécier le Beaujolais Nouveau ?
• Servir et accorder le Beaujolais Nouveau :
Le Beaujolais Nouveau est souvent servi légèrement frais, autour de 14 degrés, ce qui accentue son acidité et fait ressortir son coté gouleyant (facile à boire), à la fois fruité et gourmand. C’est un vin fait pour être bu jeune, dans les 3 à 6 mois après sa mise en vente.
Étant un vin simple, il s’accordera aussi très bien avec des plats simples qui compléteront son caractère léger :
◦ De la charcuterie, comme du saucisson ou un pâté Lyonnais ;
◦ Du fromage, comme le Comté mais aussi le Brie ou le Brillat savarin, et les fromages de chèvre ;
◦ Enfin des viandes grillées, l’inconditionnel poulet rôti, ou encore de simples salades.
Mais bien qu’ayant une renommée grandissante, le Beaujolais est toujours controversé.
La controverse et la critique du Beaujolais Nouveau
• Un vin simple qui dessert le reste de l’appellation ?
Certains amateurs de vins reprochent au Beaujolais Nouveau d'être trop léger ou de manquer de complexité, car il est destiné à être bu jeune et ne bénéficie pas de vieillissement. Cette caractéristique crée une contradiction avec la philosophie du vin : les puristes du vin considèrent cette approche comme une dévalorisation de l'art du vieillissement des vins.
La production du Beaujolais Nouveau est en grande partie axée sur la quantité plutôt que la qualité, ce qui pousse certains producteurs à se concentrer sur des rendements élevés. Cela peut nuire à la réputation des vins de la région dans leur ensemble, car le Beaujolais Nouveau, dans sa forme commerciale, peut être perçu comme un vin de faible qualité qui cache les vins plus complexes du Beaujolais, comme les Crus.
• Campagne marketing et fête commerciale :
La campagne marketing entourant le Beaujolais Nouveau est perçue comme excessive par certains. Le fait que le vin soit associé à une fête mondiale (le "Beaujolais Nouveau Day") peut donner l'impression que le vin est davantage un produit marketing qu'un véritable produit de terroir. Cette sur-médiatisation et la vente dans les grandes surfaces peuvent contribuer à la dévalorisation de l'image du Beaujolais, en particulier auprès des connaisseurs qui préfèrent des vins plus authentiques ou âgés, issus de petits domaines.
Enfin, il y a une critique sociale qui voit dans le Beaujolais Nouveau un symbole de la consommation rapide et du culte du "tout, tout de suite". L'idée de fêter un vin qui a à peine quelques semaines de fermentation, avec des événements spectaculaires autour de sa vente, est vue comme une célébration de la société de consommation moderne, ce qui n'est pas du goût de tout le monde.
En dépit de ces controverses, le Beaujolais Nouveau reste une tradition qui a des défenseurs, et qui se célèbre aussi bien en France que dans le reste du monde.
Le Beaujolais Nouveau en France et dans le monde :
En France, Villefranche-sur-Saône organise chaque année une grande fête le samedi suivant le Beaujolais Nouveau par exemple. Le marathon international du Beaujolais aura lieu samedi 23 novembre, suivi de la mise en perce (le fait de faire un trou dans un tonneau pour en tirer le vin) sur le parvis de la mairie.
Au niveau mondial, les plus grands amateurs de Beaujolais Nouveau sont les Américains, suivis des Allemands, puis… des Japonais, où le vin est très attendu ! En 2019, selon l’inter Beaujolais, 46 % de la production de Beaujolais Nouveau était destinée à l’export, dont 23 % rien que pour les japonais qui sont les premiers à pouvoir déboucher les bouteilles à cause du décalage horaire.
En somme, que vous soyez un passionné de vin ou simplement un curieux, essayer le Beaujolais Nouveau est une façon amusante de se faire son propre avis et de découvrir la culture viticole française en participant à une tradition emblématique.
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Un vin aux douces notes de framboises et de bonbon anglais, typique des Beaujolais Nouveau !